Le caractère inconstitutionnel des articles 163, et 171 de la Loi organique N01/21 du 3 août 2019 portant modification de la Loi N01/07 du 25 février 2005 régissant la Cour suprême du Burundi

Le caractère inconstitutionnel des articles 163, et 171 de la Loi organique N01/21 du 3 août 2019 portant modification de la Loi N01/07 du 25 février 2005 régissant la Cour suprême du Burundi


En matière judiciaire, le pourvoi en révision tend à faire réparer une erreur judiciaire lorsque, en raison des circonstances qui apparaissent après que la décision du tribunal soit devenue définitive, il y a lieu de penser que la juridiction qui a rendu cette décision aurait tranche dans un sens différent, si elle avait été au courant desdites circonstances avant de rendre la décision dont la révision est demandée. En d’autres termes, la révision tend à faire rétracter un jugement ou un arrêt coulé en force de chose jugée pour qu’il y soit statué à nouveau en fait et en droit.

Au Burundi, la révision est organisée aux articles 160 à 173 de la loi organique N0 1/21 du 3 août 2019 portant modification de la Loi N0 1/07 du 25 février 2005 régissant la Cour suprême du Burundi.

Seulement, les dispositions des articles 163 et 171 de la loi susmentionnée retiennent notre attention. Ces deux dispositions se recoupent au niveau de leur contenu. Ainsi, en matière civile comme en matière pénale, elles indiquent que la requête en révision est adressée au Ministre ayant la justice dans ses attributions qui analyse si les conditions de recevabilité sont réunies auquel cas, il donne un ordre exprès au Procureur Général de la République qui en saisit la Cour. Celle-ci doit statuer obligatoirement au fond.

A bien analyser le prescrit de ces articles, on constate d’emblée une consécration de l’immixtion d’un membre de l’exécutif dans le domaine judiciaire. L’analyse minutieuse de ces dispositions montre leur inconstitutionnalité par rapport à l’article 214 de la Constitution de la République du Burundi. Celui-ci, en son alinéa 1, dispose quel pouvoir judiciaire est impartial et indépendant du pouvoir législatif et du pouvoir exécutif. Or, nous remarquons une contradiction ou une inconstitutionnalité entre le contenu de l’article 214 de la Constitution et les articles 163 et 171 de la loi N<sup>0</sup>1/07 du 25 février 2005 régissant la Cour suprême du Burundi.

La Constitution reconnait aux juges un pouvoir qui doit être à l’abri de toute immixtion de la part du pouvoir exécutif. Dans l’exercice de ses fonctions, le magistrat assis (par opposition aux magistrats debout qui, eux, sont hiérarchiquement subordonnés à leurs supérieurs) ou le juge ne doit se soumettre qu’à la Constitution et à la loi.

Aux termes de l’article 210 de la Constitution de la République du Burundi, la justice est rendue par les cours et tribunaux sur tout le territoire de la République au nom du peuple burundais. La Loi N<sup>0</sup>1/21 du 3 aout 2019 portant modification de la loi No 01/07 du 25 février 2005 régissant la Cour suprême du Burundi retire aux juges une partie des tâches qui doit leur revenir en vertu de la Constitution. Si l’article 214 de la Constitution dispose que le pouvoir judiciaire est impartial et indépendant du pouvoir législatif et du pouvoir exécutif, il laisse sous-entendre l’interdiction aux membres de l’exécutif comme du législatif d’interférer avec le pouvoir judiciaire.

Le sens dans lequel doit s’orienter une décision des juges de la Cour suprême du Burundi ne devrait résulter que de la loi ou de leur conscience et non d’une quelconque influence d’un membre de l’exécutif. Ceux-ci ne devraient se résoudre à statuer sur le fond qu’après une analyse de leur part de tout le dossier et selon leur âme et conscience. Or, rédigés de la sorte, ces articles retirent aux magistrats assis seuls destinataires du pouvoir judiciaire, un pouvoir qui leur est reconnu par la Constitution.

L’examen des conditions de la recevabilité devrait, comme d’habitude, être l’apanage des seuls juges. Le fait que les juges soient obligés de statuer les yeux fermés au fond témoigne d’une véritable mainmise et d’une immixtion de l’exécutif dans le champ du pouvoir judiciaire. Confier à un membre de l’exécutif le rôle normalement réservé aux membres du pouvoir judiciaire revient à renier purement et simplement ce pouvoir.

L’un des préalables pour que l’indépendance du pouvoir judiciaire puisse être effective est que ce pouvoir soit séparé de l’exécutif afin d’éviter les éventuelles immixtions d’un pouvoir dans le domaine de l’autre.

En son article 214, la Constitution de la République du Burundi précise que le pouvoir judiciaire est impartial et indépendant du Pouvoir législatif et exécutif. &nbsp;A notre sens, le fait d’accorder un pouvoir aussi exorbitant au Ministre de la justice est une entorse à une règle Constitutionnelle établie à travers l’article 214 alinéa 2. En vertu de cette dernière, le juge doit, dans l’exercice de ses fonctions, être soumis uniquement à la loi et à la Constitution.

L’Institution Judiciaire ne devrait recevoir aucune injonction, ni directe ni indirecte, dans sa mission de juger. Or, Cela n’est pas la situation qui prévaut aujourd’hui puisque l’exécutif, à travers le Ministre de la Justice intervient, directement, pour influencer le Cours de la justice.

Propositions

Pour remédier à l’inconstitutionnalité qui caractérise les articles 163 et 171 de la Loi organique N<sup>0</sup>1/21 du 3 aout 2019 portant modification de la loi N01/07 du 25 février 2005 régissant la Cour suprême du Burundi, nous demandons au législateur burundais de procéder à la modification de ces articles afin de les rendre conformes à la Constitution. Selon notre proposition, cette modification pourrait se faire en confiant l’examen de la recevabilité à la plus haute juridiction du Burundi en l’occurrence la Cour suprême. Cette dernière incarne, en effet, le pouvoir judiciaire.</li></ol>

Ainsi, l’analyse des conditions de recevabilité de la requête en révision par un juge ou un magistrat de la Cour suprême ne serait pas contraire à la Constitution et n’affecterait pas négativement l’indépendance du juge. En effet, comme le stipule l’article 2 de la loi susmentionnée, les juges de la Cour suprême ne se soumettent qu’à la Constitution, à la loi, et à leur conscience. Ils veillent en toute impartialité à la bonne application de la loi par les Cours et tribunaux.

Ainsi, le contrôle ou l’analyse des conditions de recevabilité qui seraient confiés à la Cour suprême s’inscrirait dans la mission qui lui est déjà assignée qu’est celle de veiller à la bonne application de la loi par les Cours et tribunaux. &nbsp;Il s’agirait, en plus, d’un contrôle exercé par un juge sur un autre qui ne serait pas, à notre avis, en contradiction avec le principe de l’indépendance de la magistrature assise telle qu’elle est consacrée par la Constitution de la République du Burundi.

2. Dans le sens inverse, il faudrait réviser la Constitution dans le sens de permettre au Ministre de la Justice d’intervenir dans le cadre de la révision des affaires pénales ou civiles. Mais cela marquerait un recul significatif au niveau de l’indépendance du pouvoir judiciaire.

Written by: Jean Hervé IRABONA
Published at: Tue, May 16, 2023 4:40 PM
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